IA (Intelligence Artificielle) et Formation : Bénéfices-Risques

Tout le monde a entendu parler des data et de leur exploitation économique. Le domaine de la Formation n’échappe pas à l’observation d’un gigantesque Argus numérique dont les systèmes font remonter des milliers de données sur les pédagogies mises en œuvre, les cursus, les programmes, le comportement des formateurs et des stagiaires... La data constitue le socle sur lequel l’IA va pouvoir se déployer dans un futur proche. Quelles seront les conséquences pour la Formation ? Voici quelques éléments de réflexion.

Pour bien raisonner, il est important de clarifier des notions de base. Aujourd’hui, les spécialistes distinguent deux types d’IA. La première est dite « faible » : elle consiste principalement dans l’automatisation des processus qui pourraient être exécutés par les humains - mais qui s’avèrent fastidieux, voire dévalorisants. Par opposition, la seconde IA est dite « forte » : elle est capable de comprendre un contexte, de produire des réflexions et de bâtir ses propres raisonnements. Bien entendu, la combinaison de ces deux formes d’IA ouvre des perspectives entièrement nouvelles, en laissant libre court à l’imagination.

Si l’on est de tempérament positif, on avancera que les apprenants et leurs formateurs ont tout à y gagner puisque l’analyse fine des données renforcera notamment la capacité à personnaliser les parcours de formation. Ainsi, par la connaissance des parcours d’apprentissage, l’IA sera en mesure :

. D’aider un formateur ou un organisme de formation à mieux comprendre la demande d’un commanditaire, par l’analyse textuelle du cahier des charges, par exemple.

. D’identifier sur le web les éléments d’un contenu de formation disséminés un peu partout, de façon à les agréger, en les normalisant, afin de générer une version plus performante.

. De capter les publications d’un expert, en les reformulant ou les vulgarisant pour leur donner une dimension pédagogique, propre à faciliter l’apprentissage.

L’impact de l’IA s’avère donc bénéfique pour le contenu puisqu’elle favorise son optimisation. Dès lors, on peut s’interroger sur l’évolution du métier de formateur. Ayant accès à une multitude de données collectées sur les plateformes, il doit opérer un tri, en fonction d’objectifs clairement définis. Cette sélection est la condition pour transformer la matière brute en informations, dans le but :

. De mieux connaître les comportements des apprenants, en repérant notamment les actions et/ou phases à forte valeur ajoutée et, a contrario, les moments de « décrochage ».

. De suivre en permanence les progrès de chacun au fur et à mesure du déroulement de l’enseignement. Ce contrôle au jour le jour signerait probablement la fin des tests et examens, au profit d’une évaluation en continu.

. D’adapter l’enseignement en fonction du rythme biologique (chronobiologie). En cas de déconcentration ou de coups de fatigue, l’IA alerterait le formateur en lui suggérant un changement de rythme pour remobiliser son audience.

. De créer des groupes de niveau homogène sur la base d’analyses des différents profils d’apprenants.

. De « matcher » les groupes avec le formateur « idéal », en croisant les caractéristiques psychologiques de ce dernier avec ses techniques d’apprentissage.

. De proposer des approches pédagogiques mieux adaptées, en fonction des sujets abordés et des motivations individuelles.

. D’accompagner les élèves en difficulté, en leur fournissant un tutorat ciblé et des programmes de rattrapage.

. De libérer du temps en automatisant les tâches fastidieuses, de façon à repositionner le formateur sur des missions complexes.

. De sous-traiter la « paperasserie », par la constitution et la mise à jour des dossiers des apprenants.

Le formateur acquiert ainsi une dimension de « e-coach » qui transmet, accompagne et maîtrise l’apprentissage dans la durée.

Que du positif me direz-vous… Cependant, comme en toute chose, cette énumération ne doit pas nous masquer le revers de la médaille. Imaginez par exemple que l’IA estime votre niveau «insuffisant » ou votre profil « inadapté » pour suivre l’enseignement auquel vous aspirez. Vous ne seriez autorisé(e) qu’à aborder certains thèmes eu égard à votre « état émotionnel » qualifié de « trop stressé ». Au moindre battement de cils ou bâillement esquissé, l’IA interromprait votre programme de formation parce que « vous êtes trop fatigué(e) ». Il suffit d’un algorithme « malveillant » et le rêve tourne au cauchemar.

Rassurez-vous, nous n’en sommes pas encore là ! Bien du chemin reste à faire ! Actuellement, si nous disposons de données nombreuses, elles sont éparpillées et de qualité moyenne. Lorsqu’un apprenant a achevé un module de formation, on ne sait toujours pas précisément ce qu’il a retenu et l’on ignore en grande partie les processus d’apprentissage qu’il a mis en œuvre.

Pour gagner en performance, il faudrait se livrer à une analyse en profondeur de tous les éléments disponibles, les classer et les organiser. Cependant, affiner la donnée soulève un vrai problème éthique. En effet, des informations confidentielles ne risquent-elles pas d’être divulguées ? Sans parler de leur utilisation à des fins lucratives ou de la tentation à les manipuler… La vigilance s’impose !